Le 15 octobre, une journée passée inaperçue
Hier, 15 octobre, avait lieu la journée mondiale de sensibilisation du deuil périnatal.
Et je suis malheureusement au regret de dire que cette journée est passée en France dans l’indifférence générale. Elle a été évincée par l’actualité du couvre-feu de la Covid19. Si cette année, l’excuse de l’actualité était plausible, elle ne l’était ni l’an passé, ni les années précédentes. Car le deuil périnatal est un sujet tabou, tout particulièrement lorsque l’on est français.
Est-ce parce que la France est un des pays les plus mauvais en Europe en terme de mortalité néonatale et de mortinatalité ?
Est-ce lié au cumul des sujets interdits que représentent la mort et l’impuissance de l’omnipotente Sciences dans ce domaine ?
Ou est-ce tout simplement parce que le sujet dérange fondamentalement la bienséance de notre société française ?
Alors que le sujet est plus que jamais d'actualité
Encore une fois, c’est en me tournant vers les pays anglophones que j’ai pris conscience que le problème était de taille dans notre pays.
L’accouchement de l’épouse du chanteur John Legend, Chrissy Teigen d’un bébé mort-né le 1er octobre dernier et les réactions violentes des français m’ont horrifié. Des milliers d’internautes ont criés leur indignation de voir des images qu’ils ont considérés comme choquantes et honteuses. Certains ont même condamnés le fait de nommer cet enfant. Des chroniqueurs d’une émission populaire (démagogique ?) ont même été insultants et racoleurs sur le sujet, histoire de faire le buzz. Une des chroniqueuse a même lancé que le deuil périnatal était « le tabou ultime » qui ne devait pas être brisé.
Quelle absence totale d’humanité, face à l’une des plus grandes détresses de notre vie ! Ma mission dans ce blog est de parler de bienveillance afin de la cultiver pour un mieux vivre ensemble. C’est précisément ce pourquoi je ne peux occulter ce sujet d’actualité.
Qu’est-ce que le deuil périnatal ?
Selon la Revue Médicale Suisse,
Cette définition assez large englobe donc les fausses-couches, les Interruptions Médicales de Grossesse et les Mamanges, ces mamans ayant perdu leur bébé avant la naissance ou quelques jours après.
Sachant que les fausses-couches touchent chaque année en France 20 000 femmes, soit environ 10 à 15 % des grossesses, force est de constater que ce n’est pas un sujet rare ou marginal.
Nous connaissons tous dans notre entourage un proche qui souffre de ce deuil. C’est pourquoi je ne comprends pas pourquoi le deuil périnatal est un tel tabou français.
Mortalité néonatale et mortinatalité en France
Dans le dernier rapport Euro-Peristat, portant sur l’année 2015 publié en 2018, 3 enfants sur 1000 naissent morts nés, ce qui place la France 21ème pays sur les 28 pays européens du rapport .
Le taux d’enfants décédés dans leurs premiers 28 jours reste très élevé avec 2,4 morts pour 1000 naissances ce qui place la France au 21ème rang européen.
La situation est donc particulièrement préoccupante mais ce n’est pas l’objet de mon article. Je ne suis pas experte dans le milieu médical et je ne peux prétendre donner mon avis sur les causes d’une telle situation.
Par contre, je ne peux que m’indigner de voir que les conséquences d’une situation intolérable dans le 21ème siècle de mon pays rencontrent si peu d’écho et d’empathie.
Car les conséquences ce sont évidemment des familles endeuillées, traumatisées, qui rentrent chez elles sans leur bébé et doivent faire leur deuil de ce qui ne sera jamais.
La journée mondiale de sensibilisation du deuil périnatal
Qui a vu hier ces petits rubans roses et bleus dans nos rues ? Qui d’ailleurs connaissait ce symbole ? Personnellement pas moi.
Lorsque j’ai consulté mon ami Google pour construire cet article, une chose m’a sidérée. Je n’ai trouvé que de très rares articles de presse française et quelques posts d’associations. Mais aucun site officiel.
Pas un .gouv, pas une sous-catégorie de la CAF, CPAM, PMI, du Ministère de la Santé, d’un hôpital … Rien. Comme si le sujet n’existait pas officiellement.
En regardant plus en détails, j’ai ensuite trouvé des articles médicaux… suisses et québécois. Ce sont d’ailleurs nos cousins canadiens qui sont les créateurs des termes « parange », « papange » et « mamange ». Comme si nous, français, nous n’étions pas capables de créer de mots plus humains que « mort-né » ou « fausse-couche ».
Contre Pregnancy & Infant Loss Awareness Month aux Etats Unis
En 1988, Ronald Reagan, alors président des États-Unis, a déclaré le mois d’Octobre comme un mois consacré à la reconnaissance et au soutien de tous les parents et les familles qui ont perdu un bébé in utero ou ex utero. Il faut dire qu’aux États-Unis c’est 1 grossesse sur 4 qui finit dramatiquement. Le site nationalshare.org propose son soutien et des actions relayées dans les différents états où se trouve la fondation.
Au Royaume Uni, c’est une semaine entière qui est dédiée au sujet, soutenue par un site institutionnalisé et médiatisé à coup d’influenceurs et de célébrités nationales.
Un mois ou une semaine institutionnalisés contre une journée cachée en France. Les États-Unis voient les choses en grand et ne sont pas forcément un modèle, surtout en ce moment. Certes. Mais la différence de traitement entre nos deux pays est colossale et a de quoi nous faire honte.
Où trouver du soutien en français ?
Le 1er groupe de soutien francophone nospetitsangesauparadis.com a avoir été créé, l’a été grâce à des mamanges québecoises. C’est en 2001 qu’elles ont démarré ce groupe de parole virtuel sous forme de forum. Elles ont d’ailleurs été soutenues par la très belle chanson de Luc Plamondon et Marie Denise Pelletier « Berceuse pour un Ange« .
Il existe aussi un site québecquois très bien construit, les parentsorphelins.org qui peut répondre à pas mal de questions.
En France, ce sont les associations qui font un travail formidable. Ce sont la plupart du temps des mamans ou des parents ayant traversé cette douloureuse épreuve qui partagent leur expérience et leur ressenti. J’ai trouvé plusieurs associations telles que Le Chemin des Etoiles ou Agapa.
Et puis il y a de super blogueuses comme la La Marmotteuse, des instagrameuses comme Ellie petite étoile, Korriganne.illustration, 9mois9jours ou L’Etoile Leo. Il y a aussi des podcasts , des doulas…
Que faire face à un proche qui connait le deuil périnatal ?
Si vous avez la chance de ne pas directement être touché par ce deuil, vos amis, collègues ou membres de votre famille peuvent l’être. J’ai malheureusement vécu ce deuil à plusieurs reprises.
N'hésitez pas à en parler
La première chose à éviter c’est de penser que ne pas en parler va aider la personne. Bien au contraire, le sujet est tabou, vous l’avez maintenant compris et la peine de ces parents est réelle. Leur offrir la possibilité d’en parler avec vous est le plus beau cadeau d’affection que vous pouvez le faire.
Acceptez d’en discuter, de les écouter, même si vous ne savez pas trop quoi dire. Ces parents sont en détresse et souvent en galère de devoir gérer tout un administratif inadapté à leur situation. J’ai par exemple vu des patrons reprocher à une mamange d’être en congé maternité sans bébé. J’ai aussi vu des parents en lutte contre la CAF pour recevoir leur prime de naissance … afin de pouvoir payer les obsèques de leur petit garçon, tout en continuant de recevoir de la CPAM les courriers pour le dernier trimestre de la grossesse !
La seule chose à garder en tête c’est que vous pouvez être maladroits, même si vous n’êtes pas malintentionnés. Parmi le top des paroles blessantes à éviter : « Tu es encore jeune, tu en auras d’autres. » « c’est arrivé aussi à ma grand-mère, c’est malheureusement courant.» « es tu sûre que tu étais bien suivie ? » « c’est mieux comme ça, tu te serais vue avec un enfant handicapé ? » « et puis tu as déjà 2 beaux enfants, c’est déjà bien. »
Accueillez la photo du bébé
Si la mamange vous propose de voir la photo de son bébé et que vous vous en sentez capable, acceptez. Cette photo est souvent la seule chose qui restera de visible de ce bébé et la partager avec vous est une marque de confiance absolue. Pour vous rassurer sachez qu’il existe de plus en plus des photographes spécialisés qui aident les parents à l’hôpital à réaliser ces clichés grâce à l’association Souvenange . Les contacter lorsque vous savez que des parents sont dans cette situation peut d’ailleurs être une marque d’amour forte. Leur service est d’ailleurs gratuit et ce sont des photographes professionnels qui ont une très belle mission :
« Nous ne photographions pas la mort, nous immortalisons l’amour »
Pour approfondir le sujet, quelques lectures
Ma première prise de conscience du sujet a été lors de la lecture du livre YourZenMama où les deux auteures-actrices hollywoodiennes Teresa Palmer et Sarah Wright Olsen parlent de leur deuil périnatal respectif. C’est là que j’ai pris conscience que c’était un sujet dont on pouvait parler publiquement, autrement qu’entre copines devant un café en chuchotant.
Et c’est d’ailleurs en lisant les articles consacrés au mois du deuil périnatal sur yourzenmama que j’ai pris conscience de la façon dont la parole s’était libérée outre-atlantique (ou pacifique) contrairement à chez nous. J’ai eu un vrai coup de cœur pour les livres Born to Fly et Miles Apart.
Toutes ces ressources étant en anglais, je vous recommande donc si vous préférez lire en français la formidable sélection de l’association Chemin des Etoiles . Vous y trouverez des livres, des témoignages mais aussi des albums illustrés pour aborder le sujet avec vos enfants. J’ai d’ailleurs commencé à me faire une petite liste de lecture…
Finalement, comment briser le tabou du deuil périnatal ?
Comme pour tous les mouvements, je ne peux que vous conseiller de suivre la démarche de tout activisme bienveillant et pacifiste :
- SE TAIRE
- Pour mieux ECOUTER ceux qui ont l’expérience ou l’information
- Pour pouvoir APPRENDRE d’eux et se faire une opinion et des arguments solides
- Et enfin PARTAGER
- pour AGIR
Et pour agir, quoi de mieux que de participer au mouvement ?
La journée de sensibilisation était hier mais pourquoi ne pas arborer tout le mois le ruban rose et bleu ? Sur Facebook il est même possible d’ajouter ce même ruban sur votre photo de profil !
Pour agir, vous pouvez partager des articles sur le sujet, soutenir les associations et les blogs mentionnés plus haut et lorsque la Covid19 le permettra participer à des marches et lâcher de ballons.
Mais surtout, vous pouvez agir en en parlant ouvertement, publiquement. En vous indignant quand des influenceurs ou chroniqueurs disent des abominations.
Bref en faisant taire l’ignorance. Car finalement, un sujet tabou c’est justement un sujet dont on a peur parce qu’on ne sait rien.
Merci pour cet article très intéressant.
Je suis ravie qu’il trouve écho en vous !