J’ai écrit cet article cet automne, le soir où j’ai reçu le courrier de la MDPH que j’attendais depuis des mois. Plus de 10 pour être précise. J’attendais cette reconnaissance de handicap depuis longtemps et ce fut un long combat administratif.
Ne sachant avec qui partager, échanger mon ressenti, j’ai écrit. C’était ce qui me soulageait le plus sur le moment. Collaborant sur plusieurs articles avec YourZenMama à cette époque, c’est à cette belle communauté que j’ai écrit sans vraiment y penser. Je leur ai donc envoyé mon texte, comme une bouteille lancée à la mer.
Aujourd’hui, vous pouvez lire mon texte sur le fait d’être mère d’un enfant autiste sur le magnifique blog de YourZenMama. J’ai essayé de vous le traduire ci-dessous.
Être Maman d’un enfant autiste de 2 ans et demi peut vous faire ressentir des sentiments plutôt contradictoires. Quelle mère saine d’esprit célèbrerait le fait que votre fils soit officiellement considéré handicapé entre 50 et 79% de ses capacités ?
Eh bien, moi.
Ce soir, lorsque j’ai enfin reçu le courrier officiel l’attestant.
Et pourtant, lorsqu’un an auparavant, j’ai entendu le mot « handicap » associé au nom de mon magnifique petit garçon, j’étais effondrée. J’étais tellement en colère, tellement impuissante que je ne pouvais m’arrêter de pleurer.
Il y a un an, mes mondes se sont effondrés
Le 1er à s’effondrer fut l’univers joyeux de la mère de deux enfants débordée qui tente comme elle peut de jongler entre les agendas de ministre de chacun et les crises familiales du quotidien. Mais maintenant, mon mari et moi devons apprendre ce que cela veut dire au quotidien d’être parents d’un enfant particulier, de jongler avec les soins et les différents avis médicaux tout en acceptant le regard et le jugement des autres.
Puis ce fut à la vision de ma famille de s’effondrer. Nous venions d’échouer à notre FIV et la perspective d’accueillir un 3ème enfant (potentiellement à risque) tout en luttant avec la condition de Little H a balayé ce rêve.
Mon univers professionnel et ma carrière ont aussi disparu. Juste après m’avoir annoncé que mon fils était handicapé, le docteur m’a expliqué que je ne pourrai plus travailler. Et il ne savait pas pour combien de temps. A cette époque, j’étais en pleine reconversion. J’avais quitté mon ancien poste salarié bien payé pour être enfin en accord avec moi-même et mes valeurs et j’étais sur le point de reprendre des études longues. A partir de ce moment, vivre mes rêves longtemps oubliés m’était aussi enlevé.
Puis la culpabilité est apparue
Exactement au même moment que la question “Pourquoi ?”
Et malheureusement à cette question, il n’y a pas vraiment de réponse, rationnelle ou scientifique, ce qui continue d’alimenter la culpabilité. La réalité est que personne ne sait exactement d’où vient l’autisme. Dans notre cas, les docteurs ont évoqué le fait que mon bébé ait été malade in utero sans que personne ne s’en rende compte. Mon bébé était malade dans mon ventre et les docteurs ne s’en sont pas aperçu. Je ne m’en suis pas aperçu. C’est comme si je l’avais totalement abandonné. Et la culpabilité est devenue encore plus forte parce que, d’une certaine façon, j’étais responsable de son état.
Ai-je mentionné le fait que tout ça s’est passé la semaine avant Noël ? Parfait timing pour notre famille, tout juste après l’échec de la FIV, pas vrai ? Évidemment, j’ai pleuré. Énormément. Je ne trouvais plus de force pour surmonter la situation ni pour essayer d’imaginer ce à quoi notre futur pourrait ressembler.
Puis, ce fut le Nouvel An. Nous n’étions que tous les 4 aussi avec mon mari nous avons passé la soirée à manifester la nouvelle année et à imaginer ce qui allait pouvoir se passer pour nous en tant qu’individus, couple et famille
Et puis ce fut le moment pour agir.
Et par action, je parle consulter beaucoup de docteurs. En parler à nos familles. Se confronter aux différents avis médicaux et au regard des autres. Passer de nombreux jours dans de nombreux hôpitaux. Écrire beaucoup de lettres et remplir beaucoup de dossiers. Se familiariser avec les abréviations et la réglementation pour handicapés.
Et ensuite nous avons attendu.
3 mois de confinement ne nous ont pas aidé et ont même prolongé l’attente.
Puis nous avons essayé toutes sortes de soins. Nous avons fait de nombreux examens médicaux, analyses de sang, scanner, IRM …
Et nous avons appris à vivre avec la phrase « on ne sait pas ».
Depuis plus de 10 mois, toutes mes réponses ont été à toutes les questions que vous puissiez me poser sont toujours les mêmes « nous ne savons pas ». Quel est le diagnostic de mon fils, comment sera-t-il capable de grandir ? Nous ne savons pas et nous craignons que cette ignorance devienne notre nouvelle normalité.
Et maintenant, il est temps de reconstruire notre monde.
Évidemment, ce n’est pas celui que nous connaissions jusqu’alors.
Nous reconstruisons tout de zéro. Nous reconstruisons notre famille et la place que chacun de nos fils si particuliers occupe. Nous pensons même accueillir un troisième enfant. Nous essayons aussi de reconstruire notre couple puisque la situation a changé notre relation amoureuse pour toujours.
Nous avons changé notre vision de la parentalité puisqu’aucun avis parental, règles ou modèles ne s’appliquent plus. C’est à la fois libérateur et déconcertant. Mais je pense que c’est ce qui fait de moi une meilleure mère, plus spontanée, plus observatrice, plus à l’écoute et plus intuitive (tout en étant beaucoup plus fatiguée). Je dois apprendre à trouver la joie là où je peux, à voir le monde à travers les yeux ultra-sensibles de mon enfant.
Nous apprenons à vivre avec le concept de l’inclusion. Notre vision du monde et des gens a tellement changé ! Nous avons lâché prise sur tous nos préjugés sociaux puisque face au handicap, nous sommes tous égaux. Nous sommes plus conscients et vivons plus dans l’instant puisque nous n’avons aucune idée de ce que le futur sera. Nous apprenons à profiter de notre vie de famille à son maximum.
Nous reconstruisons ma carrière. Je suis retournée à l’école et je prépare un diplôme en marketing digital. Je suis en train de créer ma petite entreprise pour aider d’autres petits entrepreneurs ayant les mêmes valeurs à gagner en visibilité et à raconter leur histoire au monde. De cette façon, je serai capable de prendre soin de mon fils tout en essayant d’être toujours moi-même et sans renoncer à tous mes rêves. Et par la même occasion, ce sera l’occasion de gagner un peu d’argent bien nécessaire.
Nous reconstruisons une autre façon de vivre. Avec moins de revenus, nous avons fait le choix de vivre de façon plus minimaliste ce qui est en accord total avec nos valeurs écoresponsables.
Mais malgré tout ça, je me sens toujours coupable. Je me sens coupable pour mes deux fils.
Je me sens coupable pour mon aîné qui doit vivre tous ces changements avec nous et en souffre aussi. Et bien sûr, je me sens coupable pour mon dernier qui sera spécial toute sa vie.
Je pense que je me sentirai coupable toute ma vie parce c’est généralement le lot des mères d’enfants handicapés comme le mien.
Particulièrement comme ce soir, lorsque le soulagement d’avoir remporté une petite victoire administrative vous fait réaliser que vous êtes heureuse de lire noir sur blanc tous vos pires cauchemars.
Ce sentiment doux-amer fait partie de la reconstruction. Je dois m’y habituer, exactement comme d’autres millions de mères le font au quotidien.
Tout cela est difficile mais contribue à construire ma mission de vie, jour après jour.
Et la bonne nouvelle est que je ne suis pas seule. J’ai un mari, une famille, des proches et vous. Le fait que vous soyez ici, à lire ces lignes, me prouve qu’il y a un nouveau monde en reconstruction. Les gens commencent à parler d’inclusion. Des mères partagent leur combat, leurs difficultés et réussissent à dépasser leur culpabilité et, dans certains cas, leur honte. Des séries TV, des magazines, des magasins commencent à montrer toutes sortes d’enfants.
Et pour tout cela, je suis reconnaissante et je ne peux que vous remercier pour toute l’aide et l’espoir que vous m’offrez.